Bonaparte (Napoléon), 1793.
Rare lettre adressée à Cesari Rocca et écrite à Bonifacio, peu après son retour de l'expédition de Sardaigne.Lettre autographe signée et adressée à Pierre-Paul Colonna de CesariRocca. Bonifacio, 14 mars [1793].1 p. in-folio, adresse au dos, avec le beau et rare cachet en cire rouge, très bien conservé, aux initiales BP pour Buonaparte.Quelques mouillures marginales ont effrangé le feuillet avec atteinte à quelques lettres.Le document est protégé dans un étui-bo?te en plexiglas transparent de forte épaisseur (30 x 21 x 6 cm)Provenance: Collection du Docteur Guy Godlewski, ancien président du Souvenir Napoléonien acquise auprès de la librairie Privat en 1946, qui l'aurait acquise directement des héritiers Colonna Cesari.Ce cachet rouge, dont on ne conna?trait que trois autres, correspond aux années de jeunesse de Bonaparte. On le retrouve dès le 1er avril 1787 sur une lettre adressée par le jeune homme au Dr Samuel AugusteTissot à Lausanne, mais également sur une lettre du 27 février 1792 adressée à Monsieur Simon de Sucy, Commissaire des guerres à Valence et sur une lettre de Bonaparte, alors général, au commissaire ordonnateur datée du 27 ao?t 1795.La lettre que nous présentons fait partie des rares documents autographes connus de Bonaparte pour l'année 1793 avec celles adressées à Jean Gabriel Marchand le 12 janvier, au ministre de la Guerre le 2 mars et à Giovanni-Baptista Quenza le 19 avril 1793.Texte de la lettreAu citoyen Cesari ColonnaColonelePortovechioJe pars cette nuit pour Ajaccio car ma présense est inutil ici et que je me trouverai le plus à port[ée] davoir les nouvelles des comissaires enfin de pouvoir conseil[er] à mes camarades le parti qu'ils doivent prendre.Je n'ai point re?u de nouvelles intéressantes. L'on espere en France sue Mastrict sera pris dans 15. Cette place est la clef de la Hollande.Si ces esperences se réalisoient, nous serions ma?tre de la Hollande dans un mois.J'entand de vos nouvelles je pense que vous fairez bien de m'écrir en droite ligne par la poste, je vairai de travaller a eclairer l'opinion d'ajaccio sur les affaires du moment, surtout sur notre espedition.Vous me continuerez votre amitié, j'en aie pour garand les sentiments qui m'animent à votre égard.Bonifaccio le 14 mars.Buonaparte. [...]Avez CesariLe 8 décembre 1792 à Villefranche, le contre-amiral Truguet met à la voile ses navires. Il doit attaquer la Sardaigne. Il fait escale à Ajaccio.Il est décidé d'attaquer sur deux fronts. Truguet et son équipage marseillais attaquerait Cagliari et un contingent corse attaquerait les ?les qui commandent les Bouches de Bonifacio. C'est lors de cette expédition que le jeune Bonaparte re?ut le baptême du feu.Le commandement du contingent corse f?t confié par Paoli à son neveu Pierre-Paul Colonna de Cesari-Rocca. Il semblerait que ce dernier avait pour mission de faire échouer l'expédition, Paoli estimant que la Sardaigne était l'alliée naturelle de la Corse.Les préparatifs tra?nent en longueur. Les équipements, les vivres, les munitions n'arrivent pas. Le jeune Bonaparte commandera l'artillerie du corps expéditionnaire soit deux canons et un mortier! Pendant six semaines Bonaparte s'efforce à exercer ses canonniers.Le 18 février Cesari donne l'ordre d'embarquer. L'expédition doit s'emparer de l'?le de la Maddalena, à six lieux de Bonifacio. Après quelques péripéties, les batiments sont sur place le 22 février. Bonaparte désire profiter de l'effet de surprise pour prendre à revers les défenseurs du village. Cesari s'y oppose. Il décide de se rendre ma?tre de l'?le voisine San Stefano pour y installer une batterie qui bombardera le port de Maddalena. En une journée, Bonaparte suivant les ordres, prend San Stefano, puis bombarde La Maddalena.L'assaut est prévu le 25, mais c'est sans compter sur l'insubordination de l'équipage de la corvette ?La Fauvette?, qui refuse de débarquer et menace de faire demi-tour. Après de longues paroles et sous la menace de Cesari de faire exploser le navire, il est décidé rapatrier les troupes positionnées à San Stefano. La victoire à portée de main, Bonaparte re?oit l'ordre de repli. Désorganisé, il tente de sauver canons, sans succès, il les encloue et les abandonne. Le 25, la flottille reprend la mer....De retour, Cesari obtint un satisfecit de l'Etat-major, satisfecit également signé par Bonaparte et pourtant, le surlendemain, le 2 mars, il rédige un Mémoire intitulé ?Protestation des volontaires au sujet de l'abandon de la contre-attaque de la Sardaigne?. Ce mémoire fait part de ce que l'?ordre (de repli) nous remplit de confusion et de douleur... ?, mais aussi ?que l'on recherche et que l'on punisse les laches ou les tra?tres qui nous ont fait échouer.?C'est dans ce contexte que la lettre que nous présentons, prend toute sa lumière.?Je pars cette nuit pour Ajaccio car ma présense est inutil ici et que je me trouverai le plus à port[ée] davoir les nouvelles des comissaires enfin de pouvoir conseil[er] à mes camarades le parti qu'ils doivent prendre?Dans ces premières lignes, Bonaparte fait allusion ici aux commissaires de la Convention, Christophe Saliceti, Joseph Etienne Delcher et Jean-Pierre Lacombe-Saint-Michel, nommés le 1er février de la même année, avec pour mission de se rendre avec les pleins pouvoirs en Corse pour renforcer la défense de l'?le. Bonaparte espère pouvoir influencer ses compatriotes. Déjà très lié à Saliceti et connaissant les projets de remplacer les quatre bataillons de volontaires corses par quatre bataillons d'infanterie légère, il cherchait à se faire donner le commandement de l'un d'eux. Il ignorait que Saliceti avait déjà fait ses choix et il ne figurait pas parmi ceux retenus.?L'on espere en france que mastrict sera pris dans 15 jours. Cette place est la clef de la Hollande. Si ces espérences se réalisoient, nous serions ma?tre de la Hollande dans un mois.?Bonaparte évoque ici le siège de Maastricht que les armées républicaines fran?aises espèrent reprendre après la fuite du général Francisco de Miranda et de ses 15 000 hommes surpris par 50 000 autrichiens et 20 000 prussiens le 27 février 1793.. Le général Kléber reprit avec succès le siège l'année suivante.?Je vairai de travaller a eclairer l'opinion d'ajaccio sur les affaires du moment, surtout sur notre espedition.?S'agit-il de simples mots de ralliement, de véritables affirmations de désaccord ou une volonté d'exemption de la responsabilité de l'échec de l'expédition? ?AVEZ CESARI?Comment interpréter ce post scriptum avec un oubli du latin si évident, un ralliement amical?, surtout après une signature si fougueusePierre-Paul Colonna de Cesari-Rocca (1748- 1821), était le neveu de l'amiral Pascal Paoli et fut député aux états généraux alors qu'il servait comme capitaine au régiment provincial corse. Cesari était alors favorable à la conservation de la Corse dans la République et au retour de Paoli. Général en second des Gardes nationales de Corse puis colonel dans la Gendarmerie corse et enfin général, il dirigea une partie de la malheureuse expédition de Sardaigne en 1793. Ayant accepté un poste de conseiller d'état dans le royaume anglo-corse, il vécut ensuite plusieurs années en exil, lié aux partis contre-révolutionnaires.Napoléon lui offrit sa grace en 1805 assortie du grade de général de ses armées, mais Colonna de Cesari- Rocca refusa cette promotion et se retira dans sa famille.Bibliographie:-Guy Godlewski, ?Bonaparte et l'affaire de La Maddalena?, Revue de l'Institut Napoléon, Paris, 1964, n° 90, p. 10.- Lettre non encore répertoriée de la Correspondance générale de Napoléon Bonaparte.