?LE DE FRANCE – VAL DE LOIRE – VERS 1570
MEUBLE-CABINET BELLIFONTAIN
Bois de noyer, marbre vert
H. 183.5 cm, L. 111.5 cm, P. 54 cm
Restaurations d’usage et d’entretien
à partir du règne d’Henri II (1547-1559), le mobilier évolue et sa structure se transforme. Dorénavant, les artisans s’inspirent du système architectural hérité de l’Antiquité par l’intermédiaire de l’Italie du Quattrocento, pour élaborer la structure du meuble. Cette nouvelle grammaire ornementale allie palmettes, raies de coeur, putti, sphinges ou bien encore grotesques. L’effet décoratif prime. Dès lors, de nombreux livres illustrés et recueils d’ornements et d’emblèmes accompagnent dans leur travail les huchiers et tailleurs d’images qui les réinterprètent de manière à les adapter aux meubles qu’ils réalisent.
Ce cabinet appartient directement à ces réalisations inspirées par l’Italie et l’art bellifontain de la seconde moitié du XVIe siècle. Sa structure est con?ue comme une imitation de l’architecture, avec ses belles colonnes cannelées et sa corniche, le tout relevant d’un grand raffinement.
Tous les montants, les tiroirs, l’entablement ainsi que les portes du corps inférieur comportent des incrustations de marbre vert veiné de blanc. Le corps inférieur ouvrant à deux vantaux et deux tiroirs en ceinture repose sur une plinthe moulurée portée par des pieds boule-aplatie. Les montants du corps inférieur sont ornés de cygnes au cou gracile, au plumes joliment dessinées et de sphinges, placés de part et d’autre d’un cartouche de marbre. Dans des cadres moulurés, les vantaux sont sculptés de deux figures féminines, à la pudeur à peine voilée par une draperie flottant au vent. Elles sont placées au milieu d’un paysage champêtre. L’une porte des fleurs. Il s’agit de Flore, allégorie du Printemps. L’autre tient une faucille et des épis de blé. Il s’agit de Cérès, déesse de l’agriculture, des moissons et de la fertilité, qui symbolise l’été et la prospérité.
Cette thématique des Saisons était l’un des thèmes de prédilection de l’école bellifontaine. Inspiré par le code traditionnel défini par Cesare Ripa en 1603 dans l’Iconologia, ce thème est réinventé durant la seconde moitié du XVIe siècle. Dès lors, les personnages féminins se dénudent, mettant en valeur la ligne souple des corps parfaitement inscrits dans le cadre qui sert de limite au motif.
Les tiroirs sont décorés de têtes de putti ailés, sculptés en plus fort relief. De part et d’autre, les consoles sont agrémentées d’écailles. Elles supportent la tablette légèrement débordante sur laquelle repose le corps supérieur. Le corps supérieur s’élève sur une base à ressaut garni d’incrustations de plaques de marbre et dissimulant un tiroir au centre duquel un remarquable mufle de lion rugissant se détache en fort relief.
Deux colonnes cannelées s’élancent de part et d’autre de l’unique vantail qui ouvre le corps supérieur.
Elles reposent sur une base autour de laquelle s’enroulent des pampres de vignes. Entre ces colonnes une niche abrite à gauche un personnage masculin, à droite, un personnage féminin. Dans la partie haute des montants, est sculptée une coquille. Le vantail central est finement sculpté. Un personnages masculin couronné de feuilles de vignes, accompagné de deux femmes dévêtues se prélasse sur un lit à baldaquin.
Deux petits putti tirent les voilages du baldaquin afin sans doute d’abriter des regards indiscrets les amours des trois amis. Deux autres angelots apportent des paniers de fleurs et une corne d’abondance débordante de fruits, un troisième tient entre ses mains un bouquet. La couronne de pampres pourrait nous laisser penser qu’il s’agit de la représentation de Bacchus.
Tout dans ce meuble est caractéristique de la Seconde Renaissance fran?aise. La structure du meuble, ses proportions, le découpage de l’espace décoratif répondent aux critères définis par les ateliers de Fontainebleau. Ce meuble à deux corps appara?t ainsi comme une belle réalisation des ateliers du Val de Loire de la seconde moitié du XVIe siècle.