PAR PIERRE LEPAUTRE (Paris, 1660 - Paris, 1744)
D’APRèS UN MODèLE DE FRANCOIS GIRARDON
(Troyes, 1628 - Paris, 1715),
ENéE SAUVANT SON PèRE ANCHISE ET SON FILS ASCAGNE DE L’INCENDIE DE TROIE
France, début du XVIIIe siècle
Bronze à patine brune
H. 54,5 cm, L. 25 cm, P. 26 cm
Chef-d’oeuvre de la sculpture fran?aise à l’époque de Louis XIV, ce groupe en bronze
à patine brune montrant Enée, fils de Vénus et d’Anchise, cuirassé et casqué, quittant
Troie en flammes en portant son père suivi de son jeune fils Ascagne, constitue
une remarquable et dramatique composition d’obédience baroque, influencée par
Giambologna et Le Bernin, créée par deux des plus grands sculpteurs de la fin du règne
du Roi Soleil, Fran?ois Girardon et Pierre Lepautre. Tiré de l’Enéide, poème inachevé
de Virgile, le groupe évoque la fuite d’Enée, au moment où Troie tomba aux mains
des Achéens grace à la célèbre ruse d’Ulysse. Enée est représenté en position cabrée,
en appui sur sa jambe gauche, enjambant un fragment d’architecture symbolisant la
destruction de la ville de Troie. Il porte serré dans ses bras son père Anchise, ce dernier
levant les yeux au ciel, simplement vêtu d’un drapé autour de sa taille, coiffé d’un
bonnet, et tenant le Palladium, image de Pallas qui deviendra l’emblème sacré des
Romains. De sa main droite tendue dans le dos d’Enée, Anchise tient le poignet du jeune
Ascagne, tourné vers la ville et cherchant désespérément des yeux sa mère Créüse, fille
de Priam, qui a disparue. Le groupe repose sur un tertre feuillagé de section carrée et
légèrement bombé. On notera la superbe qualité du socle, flanqué de personnages
grima?ants, à rapprocher du travail d’André-Charles Boulle. Il constitue une réduction
de l’original en marbre blanc réalisé entre 1697 et 1716 par Pierre Lepautre d’après
une esquisse en cire que lui avait confiée Fran?ois Girardon en 1696 .
Exécutée durant le séjour de l’artiste à l’Académie de France à Rome à partir de 1697,
transportée en France en 1715 pour orner le jardin du chateau de Marly, l’oeuvre
aujourd’hui conservée au Musée du Louvre, signée P. LE-PAUTRE FECIT, 1716, fut
terminée avec l’aide de Jacques Bousseau . Un modello en terre cuite en réduction
de l’oeuvre originale en marbre est aujourd’hui conservé au Victoria and Albert Museum
à Londres (fig. 3). Au XVIIIe siècle, Lepautre lui-même en avait conservé un exemplaire
dans son atelier et Lalive de Jully, le célèbre introducteur des ambassadeurs de Louis
XV, en posséda également un autre. L’oeuvre de Lepautre suscita un vif intérêt auprès
des amateurs et collectionneurs du XVIIIe siècle qui se piquèrent d’en posséder une
version en bronze en réduction. Les grandes ventes aux enchères de cette époque
apparaissent très révélatrices de cet engouement et mentionnent en particulier la
présence de groupes en bronze similaires au n?tre dans le cabinet de Monsieur de
Selle, trésorier général de la Marine, chez le peintre Pierre Le Brun, ou encore dans
la collection Peters vendue à Paris le 9 mars 1779. Parmi les rares exemplaires de
ces bronzes subsistant aujourd’hui, signalons en sus du n?tre, celui provenant de
la collection Seligmann, acquis en 1962 par le musée des Beaux-Arts d’Ontario, au
Canada , et celui conservé à Cambridge, Massachusetts (U.S.A.), au Harvard Art
Museum. Citons également l’exemplaire qui fut exposé à New York en 1968 par M.
Noedler, formant le lot n° 57 du catalogue de l’exposition The French Bronze – 1500 to