JEAN-JACQUES CAFFIERI (Paris, 1725 - Paris, 1792)
PORTRAIT EN BUSTE DE JEAN DE ROTROU
Paris, époque Louis XVI, vers 1780-1790
Marbre blanc
Marque : Jean de Rotrou né à Dreux en 1609, mort dans la même ville en 1650 et fait par JJ. Caffieri en 1783
H. 117 cm, L. 74 cm, P. 34 cm
Provenance
- Collection de la famille de Lacour
- Collection Souquais par héritage
? Les statues des hommes illustres peuvent éveiller dans les ames nobles le désir de les
imiter ?. Cette maxime de Pétrarque illustre quelle fut la démarche de Philibert Orry, Directeur des Batiments du Roi entre 1736 et 1745, qui initia dès 1774 la commande auprès des plus brillants artistes des bustes de personnages ayant contribué à la gloire de la France. En 1779, le sculpteur Jean-Jacques Caffieri (1725-1792) re?ut la commande du buste de Jean de Rotrou (1609-1650) pour le placer en pendant de celui de Pierre Corneille (1606-1684), figurant les célèbres poètes et auteurs de théatre sous Louis XIII et Louis XIV souvent mis en opposition. Le premier, à l’esprit baroque et mélodramatique, le second plus sage et posé. Rotrou n’a pas
vingt ans lorsqu’il donne au théatre sa première pièce, L’Hypocondriaque, tragi-comédie représentée à l’H?tel de Bourgogne en 1628 et dont s’inspirera Goethe pour son opérette Lila. Nous conservons aujourd’hui le texte de trente-cinq pièces dont vingt-deux furent imprimées, dont
Le Véritable Saint-Genest (1646), Venceslas (1647) et Chosroès (1649). Protégé par Richelieu, Rotrou fit partie de la société des cinq auteurs qui travaillaient sous la direction du
cardinal et collabora à la Comédie des Tuileries, jouée en 1635. Rotrou se distingua de
ses confrères en ne participant pas à la célèbre querelle du Cid et en ne
cachant pas son admiration pour l’auteur. Rotrou resta fidèle aux extravagances littéraires
de sa jeunesse, mais son évolution vers le classicisme se remarqua dans ses dernières grandes pièces notamment dans la toute dernière, Chosroès. Donné en 1783 à la Comédie fran?aise (fig. 1), ce modèle de buste réalisé par Caffieri fut tout d’abord exposé au Salon, où il recueillit les meilleures critiques : ? Jean de Rotrou est d’un beau style, son caractère est beau, et les draperies jetées avec légèreté ?.
En effet, la très grande qualité d’exécution, l’extraordinaire réalisation de la dentelle ou de l’expression du visage, font de ce buste un chef-d’oeuvre de l’art du portrait. Jules Guiffrey,
historien d’art, dans son ouvrage, Les Caffi eri, sculpteurs et fondeurs-ciseleurs, paru en 1877, commente ce buste : ? Il est superfl u d’insister sur les qualités exceptionnelles qui
font peut-être de ce morceau le chef-d’oeuvre de l’artiste. Quelle vie, quelle intelligence l’artiste a su imprimer à cette fi gure distinguée ! De fi nes moustaches, les cheveux épars,
la chemise entrouverte, une collerette de dentelle carrée sur le cou, un noeud de rubans sur l’épaule droite, un manteau à larges plis couvrant à demi tous ces détails, vraie tête de poète
et d’inspiré, et en même temps type de cavalier accompli, presque de raffi né, tels sont les traits caractéristiques de ce chef d’oeuvre ?. Connaissant un immense succès, ce buste de Rotrou – toujours conservé à la Comédie fran?aise – fut
repris au moins une fois par Caffi eri. Celui-ci fut inventorié au Musée des Monuments fran?ais d’Alexandre Lenoir dont les collections furent dispersées en 1816. Aucun autre modèle n’a
été à ce jour identifi é, ce qui porte à croire que celui que nous présentons pourrait provenir des collections rassemblées par Alexandre Lenoir.